Pour sa 39ème sortie, Da ! Heard It Records fait naître une nouvelle alchimie.
Figure emblématique de la scène alternative française des années 70 et 80, Bernard Filipetti a longtemps fait chauffer les circuits de ses synthétiseurs analogiques au sein du groupe Camizole en compagnie de Dominique Grimaud ou de son projet solo Art & Technique. Brute, industrielle, sans concession, les enregistrements d'époque de Bernard font écho à ceux d'une nouvelle génération de francs tireurs, qu'il découvre avec enthousiasme au sein du réseau musical parisien de la Rue des Gardes. Il s'entoure alors de Mathieu Habig, le batteur énergique de Guili Guili Goulag et Spoliature, pour relancer ses machines lors du festival des Merguez Electroniques en Juin 2017. Le concert, mémorable, est à l'origine de la présente cassette, née de l'invitation spontanée du label Da ! Heard It et de l'arrivée de Ravi Shardja, (GOL, Couloir Gang) au sein de cette nouvelle formule.
Durant trois jours, après avoir judicieusement placé micros et ventilateurs dans une cave surchauffée de la Porte de la Villette, la formation à géométrie variable met en boîte près de 12 heures de matériel en Juillet 2018. De ces sessions largement improvisées surgissent des structures sonores inédites, marquées par l'atmosphère caniculaire du lieu.
Véritable célébration d'un alliage de personnalités complémentaires, les nappes saturées embrasent progressivement les enceintes pour laisser apparaître le jeu soutenu de Mathieu Habig. Des volutes synthétiques apparaissent brièvement puis se fondent dans ces longues plages compactes, comme façonnées directement dans la matière. Présente sur deux des quatre titres de l'album, la basse de Ravi Shardja amène un flux krautrock supplémentaire au sein de ces compositions étirées, tendues, forgées compulsivement dans la chaleur de ce studio souterrain. Rappelant les différentes strates sonores usinées au devant de cet assemblage percussif, la pochette qui accompagne cette production a été conçue avec précision par Pia Mélissa Laroche. A l’intérieur, les bandes magnétiques capturant l’énergie vive de ces sessions donnent une idée juste de leurs concerts et invitent à la frénésie collective.
Trente ans après ses débuts, Art & Technique se réinvente à coup de rythmiques tribales, de lignes de basses obstinées emballées dans une électronique dense, psychédélique, en perpétuelle ébullition.
Germain (texte)
Danielle Josset (traduction)