Pour sa 40e sortie, Da ! Heard It est allé trouver une créatrice de sentiments, fondant sa musique sur l'intimité qu'elle crée avec l'auditeur.
Tryphème est peintre de paysages envoûtants. Elle façonne de ces territoires qui transportent non par des couleurs tapageuses mais par une atmosphère singulière, un environnement dans lequel il faut se fondre. Pas de plongeon brusque ni de chute à pic, le charme de cette musique tient de l'insinuation, de l'invitation susurrée au creux de l'oreille. Et nous voilà, avec Thanks god for air emotions, au milieu de cette région inconnue, suspendu.e.s à des fils que contrôlent les mains délicates de la jeune Parisienne.
Ce pouvoir de séduction, nous le connaissons depuis déjà deux ans. Son premier album Online Dating chez CPU records, en fixait les grandes lignes. Il était le manifeste d'une artiste consciente des possibilités offertes par la création musicale. Elle naviguait dans les genres les plus subtils de cet art du temps et se faisait maîtresse de nos émotions. Déjà.
Avec Thanks god for air emotions, nous atteignons le niveau supérieur. À l'innocence du premier opus succède un album épuré de toute dispersion, concentré sur l'écoute de ses sentiments. Ces fameuses « air emotions », ce trop plein d'inutiles affects, forment un murmure continu qui sert de matière première à la réalisation de sa musique salvatrice. Elles sont cette énergie douce qui entraîne les turbines d'une IDM mutante aux voix évanescentes et aux nappes synthétiques. On lorgnerait trop facilement vers l'ambient des maîtres anglais de naguère, si Tryphème ne venait pas y ajouter ci ou là ses inspirations personnelles où se côtoient, du hip-hop à la new wave, la culture d'une artiste en apprentissage permanent.
La tableau composé est conforme aux espoirs que promettait le talent unique de Tryphème : un monde ailleurs, formé par une puissance dont la sensualité et la maîtrise sont des armes redoutables.
Maxime Gueugneau (texte)
Danielle Josset (traduction)